LE CHEMIN DE CROIX

Description technique:

15 Panneaux en contreplaqué très haute qualité, support préparé à l’ancienne, avec 7 couches d’enduit traditionnel (craie-colle de peau de lapin), et peinture à l’huile, technique de glacis successifs.

Grand soin apporté au respect des règles de l’art ancien, avec temps de séchage longs entre les couches. Format 50X65 cm. Encadrement sombre et sobre prévu, montage du cadre en caisse américaine, accrochage sur coin de piliers extérieurs des nefs latérales de St Nizier.

« Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. » (Lc 9, 22)

Cliquez sur chaque image et découvrez le commentaire de Sophie Mouquin, docteur en histoire de l’art 

La Passion de Jésus Christ, telle que nous la verrions, en 2019.

Note d’intention de l’artiste

I – GENESE ET HISTOIRE DU PROJET

Paroissien pendant 10 ans à St Nizier, c’est dans cette église qu’ont eu lieu le baptême de mon épouse, japonaise, et de nos trois enfants. J’y ai officié comme apprenti-guide pendant 5 années environ, et j’ai toujours rêvé peindre un chemin de croix pour ce bijoux gothique qui n’en avait pas, mais la beauté de l’édifice et le poids des siècles et de la sainteté des martyrs de Lyon qui y sont vénérés m’impressionnaient beaucoup.

Me persuadant que le patrimoine d’une église -que je vénère tant- n’était pas pour autant une idée immuable et figée, j’osai faire une proposition spontanée au Curé de St Nizier, le Père Hugues Jeanson au mois de novembre 2016. Je lui présentai deux toiles : un Christ outragé et une Piéta.

La proposition, d’abord laissée en suspens, fut reprise par un groupe de paroissiens eux-même, qui, touchés par l’actualisation de la Passion, ont obtenu du curé son accord par leur obstination. Ce dernier prit ensuite la tête d’un trio de paroissiens chargés du projet, et notamment d’en recueillir les fonds au moyen d’un financement participatif en avril 2019 (Crédofounding), campagne qui obtint un très bel accueil.

Le « calvaire » allait alors aussi devenir un peu le mien : deux ans et demi de travail, l’esprit et l’âme travaillés, labourés par ce sujet si grave. Mais quel bonheur ce projet m’a apporté : celui de savoir profondément que l’on est en train d’accomplir ce pourquoi on est venu sur cette terre…

Il m’a fallut dessiner des dizaines de croquis, puis peindre à l’huile pendant 4 mois l’ensemble du cycle sur un demi-format, enrôler mes anciens élèves en leur expliquant l’Histoire, préparer les tableaux vivants en fabriquant une croix de 3m50 et 70 kgs et y crucifier sans douleur un élève s’appelant Elie et sosie du Christ, aller au bout de 3 journées de poses avec à chaque fois une quinzaines d’acteurs bénévoles et bouleversants de générosité et de justesse … J’ai ensuite préparé mes 15 panneaux de bois à l’ancienne comme les peintres d’icônes, à l’aide de 7 couches poncées d’enduit traditionnel. Je pouvais enfin commencer la peinture des Stations !

On ne peut sortir indemne d’une telle expérience : après des centaines de journées au chevalet faites de méditation et d’écoute d’enregistrements de la Bible et de messes de Bach, on devient plus conscient de sa condition de pêcheur, et peindre le Corps divin pendant des semaines entières permet de voir l’hostie consacrée d’un œil neuf.

Travail douloureux et réparateur à la fois, avec comme compagnon d’atelier « la Passion- souffrance » du sujet peint et du labeur debout devant le chevalet 10h par jour, et « la Passion-amour » de la peinture .

J’ai contemplé le don du Christ de sa vie pour racheter nos fautes, et en peignant cette Croix, je peignais mes fautes. J’ai senti, un peu surpris, couler des larmes de repentir et de joie reconnaissante plus d’une fois devant mon tableau ! Peut-être étaient-elles les mêmes que celle de Pierre que l’on décrit dans l’évangile venant de renier son Sauveur, qui comprend en un regard que ce dernier lui adresse, à la fois le poids de sa faute, et l’immensité du pardon accordé.

Loin de toute envolée mystique, j’ai au contraire apporté un soin particulier aux sols, notre sol foulé par un homme qui est Dieu, exprimant ainsi l’attraction terrestre et la lourdeur d’un corps épuisé, qui faisait chuter Jésus inexorablement.

II – INTENTION PROFONDE : L’ACTUALITE DE L’EVANGILE

J’ai mis en scène les jeunes d’aujourd’hui, mes élèves de l’école d’art, artistes en devenir, nés dans la nouvelle société de l’image et non de l’écrit, c’est par l’image que je veux leur parler. C’est d’ailleurs par l’image que l’on pourra amener ces jeunes à l’Ecriture Sainte

J’ai conçu chaque tableau comme pouvant être immédiatement lisible et compréhensible, rejetant tout sens caché et donnant à voir l’action de manière explicite. Je revendique donc le terme de catéchèse picturale. D’ailleurs je n’invente rien, et m’inscrit humblement dans la tradition des vitraux de St Nizier par exemple !

Images voyeuristes de la souffrance de l’Innocent prise sur un téléphone portable, 14 images de souffrance, mais une souffrance rédemptrice, dont l’issue finale n’est pas la mort mais la Vie.

J’ai proposé au Père Jeanson d’ajouter au cycle des 14 stations traditionnelles, un épilogue glorieux, « la Résurrection », afin d’aider les milliers de visiteurs et touristes de l’église St Nizier que j’ai côtoyés pendant des années en tant que guide dans ce magnifique édifice gothique, à donner un sens à cette souffrance. En effet, n’ayant plus la connaissance biblique, beaucoup d’entre eux ne connaissent plus « la fin de l’histoire » ! J’ai souhaité les aider par ce final glorieux à sortir de la souffrance gratuite et absurde qui se répand sur internet, celle que des passants insensibles et voyeurs filment sur leur téléphone, et on retrouve dans mes tableaux ce type de témoin pervers !

Dans « la Résurrection », reprenant un thème pictural classique de l’histoire de l’art, j’ai peint les gardiens du Tombeau qui symbolisent l’empêchement de la Résurrection et la Mort, terrassés par elle, mais la Lumière du Christ les irradie pourtant, et se pose sur leur corps ; alors, qui sait s’ils ne se laisseront pas happer et séduire par elle!…

Il n’y a aucune volonté de ma part de scandaliser, cette intention de représenter mes contemporains est au contraire d’un conformisme total, voire d’une grande banalité! Elle s’inscrit dans la tradition picturale qu’ont eu les peintres pendant 4 siècles au moins (du 14è aux alentours du18è siècle), de représenter les gens de leur époque aux côtés du Christ et de sa Mère.

Le sens est celui-ci : Jésus vient nous visiter aujourd’hui, il fait irruption dans notre quotidien et notre monde, et sa Passion est actuelle et quotidienne. En effet, des Chrétiens meurent encore en 2019 pour leur foi dans de tels lynchages, et le Sacrifice a lieu aussi à chaque seconde sur tous les autels des églises du monde !

Quand Jésus s’invite dans la vie de chacun, il ne prévient pas : Paul marchait vers Damas pour y tuer ses disciples, Mathieu comptait l’argent destiné à l’occupant romain à son bureau, et saint Pierre pêchait tout nu quand il vit le Sauveur marcher sur l’eau !

Je n’ai pas voulu mettre en scène des soldats ou des bourreaux professionnels, mais des gens de la rue, des gens comme moi ; car un romain en armure me dédouanerait de toute complicité, par une mise à distance immédiate ! Qu’un bourreau puisse être moi, me pousse à réfléchir sur ma responsabilité d’homme pêcheur, et sur le rôle que j’aurais choisi entre celui qui fouette, ridiculise et crucifie, et le croyant qui pleure et rend au Corps abîmé du Sauveur le respect dû…

J’ai voulu fuir tout manichéisme, car ne sommes-nous pas alternativement l’un et l’autre ?

D’ailleurs, dans mon projet, le rôle du bourreau et du pleurant est même parfois incarné par le même acteur ! Je pense par exemple à l’un d’eux, Basile, qui arrache au Sauveur son vêtement en riant, ou élève la Croix sous sa capuche bleue. Mais après la Mort, on retrouve ce pêcheur pénitent- que je pourrais être- recueillant à bout de bras le corps de Jésus à la descente de croix, et qui fixe ce visage aux lèvres bleuies par la mort. Il semble subitement tout comprendre. Enfin, cet ancien tortionnaire dépose avec dévotion et recueillement dans le tombeau le corps du Fils de Dieu, lui qui est allé jusqu’au bout du don de lui-même.

La peinture seule me permet de mettre en image mon désir : rapprocher le corps de ces jeunes acteurs, qui pour la plupart sont loin de l’église, du Corps de Jésus, comme une prière qui anticipe LA rencontre que chacun d’eux et de nous connaîtrons à notre arrivée dans l’autre monde.

Bruno Desroche

PERFORMANCE D’ART CONTEMPORAIN

RECONSTITUTION DE TABLEAUX VIVANTS

ÉTUDES PRÉPARATOIRES 

POUR LE CHEMIN DE CROIX 

AVEC LES ÉLÈVES 

DE L’ÉCOLE EMILE COHL

ESQUISSES PRÉPARATOIRES

PASSAGE DES ESQUISSES PEINTES AUX TABLEAUX DÉFINITIFS

L’interpénétration entre les tableaux vivants réalisés avec les acteurs et les images peintes fut recherchée : en effet, certaines esquisses ont été peintes d’après ces tableaux vivants (la crucifixion, la descente de croix…), mais ce fut également l’inverse : l’esquisse peinte d’après l’imagination a servi de base à la mise en scène du tableau vivant, qui lui-même servirait de support au tableau définitif. 
Ce dialogue permanent entre les scènes jouées par de vraies personnes et les images peintes donne à ces dernières le réalisme qui permet de rendre plus crédible la scène, et de renforcer encore l’invitation du spectateur à se projeter dans l’image.

CROQUIS

Il m’a fallu dessiner des dizaines de croquis, puis peindre à l’huile pendant 4 mois l’ensemble du cycle sur un demi-format, enrôler mes anciens élèves en leur expliquant l’Histoire, préparer les tableaux vivants en fabriquant une croix de 3m50 et 70 kgs et y crucifier sans douleur un élève s’appelant Elie et sosie du Christ, aller au bout de 3 journées de poses avec à chaque fois une quinzaines d’acteurs bénévoles et bouleversants de générosité et de justesse … J’ai ensuite préparé mes 15 panneaux de bois à l’ancienne comme les peintres d’icônes, à l’aide de 7 couches poncées d’enduit traditionnel. Je pouvais enfin commencer la peinture des Stations !

Bruno Desroche

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