BIOGRAPHIE

BRUNO DESROCHE

Une cheville cassée qui ancre sa vocation

Né le 21 septembre 1979, Bruno est le second d’une fratrie de neuf enfants. Il grandit en Haute-Savoie où son père exerce le métier de cardiologue. Le goût du dessin l’attrape dès l’enfance avec notamment un jeu d’échanges épistolaires et de dessins qu’il aura avec sa grand-mère paternelle. C’est à la faveur d’un accident que sa vocation va s’enraciner à 15 ans : un accident de vélo où il cassera sa cheville va le clouer sur place le premier jour de grandes vacances aux Sables-d’Olonne en Vendée. In extremis, on lui trouve un stage de dessin ; il arrive, jeune garçon au milieu d’une assemblée de dames d’un certain âge, avec une professeur bohème mais exigeante qui va lui transmettre, durant tout l’été, les premières clés de différentes techniques de dessin. Un peintre, ami de ses grands-parents de passage cet été-là, va l’encourager en voyant les premières ébauches du travail produit. Il n’a plus de doute : c’est ce métier qu’il veut faire. Ses parents ne le détournent pas de cette vocation mais veulent le meilleur pour lui. Son père fait venir un maximum de documentations d’écoles. A la rentrée scolaire, toujours plâtré, il est interne aux Chartreux de Lyon et se lie d’amitié avec Laurent son surveillant de dortoir, étudiant en journalisme et passionné de BD. C’est lui qui va lui parler de l’école Emile Cohl, dont la démarche résolument académique sur la représentation du réel va séduire le jeune Bruno. Y rentrer sera une motivation décisive durant toutes ses années de lycée.

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Apprentissage et transmission à l’école Emile Cohl

Il y accède en 1997 après son baccalauréat. Son mentor a été une femme, Danièle Blot-Ducreux, qui outre les bases du métier et des techniques les plus précises lui transmettra sa vision transcendantale de la représentation du réel. Quelques années après, elle le parrainera pour qu’il prenne sa suite comme enseignant dans cette école. Avant cela, il exercera son métier d’artiste peintre contemporain en exposant dans différentes galeries lyonnaises (Gilles Febvre, Patrick Pons, Talent à suivre, Art Club…), donnant des cours particuliers, remportant des appels d’offres ; en septembre 2002, il part hiverner jusqu’au printemps 2003 sur l’île de Groix. Luttant contre la solitude et les vents contraires qui ralentissaient son vélo chargé du matériel de peinture, il se laisse inspirer par les paysages maritimes d’hiver, qu’il va peindre jusqu’à plus soif. Il rencontre et « tombe en amitié » avec la famille Baron, pêcheurs et descendants de pêcheurs de thon à la voile, qui lui permettront par leur soutien et leurs bons petits plats de traverser cet hiver passionnant et formateur mais qui fut aussi une épreuve.

Retour à Lyon, recherche de vocation, retour à l’enseignement avec l’invitation à prendre le relais de son maître en dessin, Danièle Blot-Ducreux. Il passera en 2007 des cours de prépa intégrée (une trentaine d’élèves), à la responsabilité en 2009 de la première année (il aura jusqu’à 290 élèves) pour leur enseigner les bases de la nature morte et du dessin d’antique. Il continue de peindre et exposer des paysages, notamment en Haute-Savoie et en Savoie (sa plus grande exposition se fera à la chapelle Vaugelas à Chambéry en octobre 2009, où il exposera 56 tableaux, exposition qui remportera un vif succès).

Peindre ses frères humains

L’envie d’approfondir le sens de son art, d’y tresser sa foi ardente l’emmène sur différentes pistes : des monolithiques à l’abstraction géométrique. Mais il reste sur sa faim. Au fond, il sent qu’il n’y a rien de plus beau et de plus parfait que la figure humaine. Commence un chemin d’humilité.
C’est vraiment l’Homme et plus exactement ses contemporains qu’il veut peindre. Sa passion des grands artistes peintres (Pietro de la Francesca, Le Caravage, Bruegel) le guidera dorénavant. À son tour de représenter ses contemporains dans des scènes bibliques ! Il lui faut des modèles pour cela. Aidé par Lilas, une de ses anciennes élèves, devenue professeur d’art de la peinture elle-aussi, il fait appel à ses élèves, anciens et actuels. Deux toiles naissent de cet élan : un Christ aux outrages et une pietà. Elles seront offertes de la part de toute la paroisse en cadeau de départ à l’un des prêtres de Saint-Nizier, cette superbe église gothique du XIVe siècle, très visitée car située en plein centre de Lyon. Pour Bruno, naît le désir d’y peindre un jour le Chemin de Croix qui lui manque…

Performance d’art contemporain 

Les deux toiles seront déposées dans une salle de sacristie, laissant hésitant le curé de l’époque, qui ne sait quoi en faire. Ce sont des paroissiens dont Patrick Héraut, architecte des monuments historiques, saisis par leur beauté qui se mobiliseront pour monter le projet monumental d’un Chemin de Croix à réaliser par Bruno Desroche.
Le curé, le père Hugues Jeanson, donne son accord début 2017 et missionne trois paroissiens pour accompagner le projet. Commence alors l’aventure de ce projet d’art contemporain ambitieux ; Bruno fait à nouveau poser ses élèves dans les différentes scènes du Chemin de Croix, ainsi que des paroissiens et les siens : Eri, son épouse japonaise et leurs trois enfants. Le peintre pose également…en bourreau dans la toile avec Simon de Cyrène. Chaque scène devient alors un tableau figuratif vivant, avec ses personnages et ses décors fabriqués par le peintre en taille réelle ; elle est photographiée pour servir de base au travail de peinture, qui recompose, réinvente sur le panneau de bois ce réel vécu.

Tradition et modernité

Concernant sa technique picturale, Bruno Desroche se passionne depuis des années pour les savoir-faire des anciens, et il a trouvé auprès du peintre parisien et spécialiste de ces questions Jean-Pierre Brasz les précieuses connaissances qui lui permettent aujourd’hui de préparer ses supports en bois comme il y a cinq siècles, et de peindre selon la technique traditionnelle des glacis (fines et multiples couches transparentes de peinture), un travail très souvent délaissé depuis le XIXè siècle qui demande beaucoup de temps et de patience, à l’encontre de l’urgence de notre époque, de son « vite-fait » permanent et sa recherche de rentabilité à tout prix. Mais cette manière de peindre permet la méditation, et offre à l’œuvre préciosité et profondeur.
Le projet pictural est basé sur la confrontation des époques et des thèmes, afin de créer étonnement et réflexion. Alors, quand on convoque dans la même image un Christ à des jeunes du XXIè siècle, ne peut-on pas aussi peindre ces derniers avec baskets et téléphones portables avec la technique la plus traditionnelle qui soit ? L’objectif profond serait alors d’enraciner notre modernité d’une part et la relier à un héritage artistique ou spirituel, et d’autre part de rendre actuelle et vivante une tradition qu’on laisse parfois s’empoussiérer.

Près de trois années sont nécessaires pour réaliser ce Chemin de Croix et le voir inauguré le 21 septembre 2019 en l’église Saint-Nizier, sur les piliers de laquelle il sera fixé de manière permanente.

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